Les essais staëliens. Pour une lecture polygonale de Madame de Staël

Abstract

Comme le titre-même de l’exposé annonce, nous avons y proposé une lecture polygonale de Madame de Staël. Notre démarche aboutit à examiner son œuvre selon une grille interprétative nouvelle qui pourrait être saisie en usant d’une expression latine : Non nova, sed nove, vu que ces approches critiques consistent à revisiter les classiques de la littérature. Il serait fort à désirer que la critique revisite les grands auteurs en abordant d’autres critères, puisque les nuances et les nouvelles interprétations qui en résultent ne peuvent être ressenties qu’enrichissantes et, par conséquent, utiles à tous : le public, l’enseignement. – La lecture polygonale des essais staëliens suggérée par nous prend pour prémisse deux points de vue essentiels : le premier vise le processus de la construction / de la déconstruction des canons esthétique et littéraire, le deuxième renvoie au féminisme. Nous esquissons trois repères en guise de conclusion : – 1. La tectonique des goûts littéraires à travers les époques a pour baromètre le canon qui enregistre toutes les oscillations et qui se veut un miroir plus ou moins fidèle de l’époque en cours. La structure du modelé canonique envisagée par la critique moderne comporte deux couches : l’une prise pour stable (en tout cas ayant un degré plus haut de stabilité), formée des écrivains consacrés et une autre juxtaposée, loin d’être stable, « plus agitée », plus flottante, marquée par des mutations axiologiques péremptoires. La démarche critique staëlienne annonce et poursuit le même schéma ; elle reprend la fameuse Querelle des anciens et des modernes et discute les principes généraux de l’art au lieu de ne s’attarder que sur les genres particuliers. Son échantillonnage critique regroupe et des anciens et des modernes, triant selon le critère axiologique. Par cela elle esquisse l’ébauche de la doctrine romantique c’est-à-dire une synthèse translittéraire appuyée sur des exemples ; en un mot, et un canon esthétique et un autre littéraire. – 2. L’âme moderne telle qu’elle est peinte à travers les essais et les romans staëliens se caractérise par le sentiment douloureux de l’incomplet de sa destinée : c’est là un tout cas ce qui en fait la grandeur, pas la différence entre les sexes. L’âme féminine comme celle des hommes ressent également le même besoin d’échapper aux bornes qui circonscrivent l’imagination. L’apport de la femme dans la littérature à venir ne peut être qu’enrichissant, vu que le monde a été fait pour les hommes et pour les femmes à la fois. – 3. Madame de Staël prend le cosmopolitisme pour une possible remède qui puisse guérir la littérature à peine sortie du Siècle des Lumières de sa stérilité, de sa froideur, de sa monotonie. Il faut obtenir des Français qu’ils connaissent et apprécient les littératures étrangères : allemande, anglaise, italienne, etc. Elle procède donc à un élargissement du goût esthétique qui sera la prémisse même du processus de renouvellement littéraire. Aussi est-il possible de concevoir ensemble littératures du Midi et littératures du Nord. Son choix final se portera sur celle du Nord.